La Gazette

des Comores

CHU El-Maarouf : À quand l’inauguration ?

CHU El-Maarouf : À quand l’inauguration ? © : HZK-LGDC

Malgré l’achèvement des travaux, le principal hôpital du pays reste portes closes. Les Comoriens, impatients, s’interrogent : à quand l’ouverture de ce symbole de modernisation du système de santé national ?


Perché sur les hauteurs de Moroni, le nouveau Centre Hospitalier Universitaire El-Maarouf impressionne. Façades immaculées, larges baies vitrées, bâtiments imposants de six étages,  tout semble prêt. Mais derrière cette image de modernité, règne un silence pesant. L’inauguration, annoncée d’abord pour décembre 2024, puis juillet 2025, a été une nouvelle fois repoussée. « On a bâti le plus grand hôpital du pays, mais personne n’y est encore soigné », confie Saïd Ali. « On attend son ouverture avec espoir, surtout pour éviter les évacuations à l’étranger. » Construit pour remplacer l’ancien hôpital des années 1950, devenu obsolète, le CHU El-Maarouf devait marquer un tournant. Démoli en 2017, il a laissé place à un complexe moderne, financé par l’État et ses partenaires, dont la Banque mondiale via le projet Compass. L’objectif : offrir des soins de qualité dans des spécialités jusqu’ici inexistantes aux Comores. S’étendant sur 42 000 m², le nouvel établissement prévoit près de 600 lits, des blocs opératoires ultramodernes, un centre d’imagerie performant, un service de maternité rénové et des laboratoires répondant aux standards internationaux. « Ce projet ne se limite pas à une construction. C’est une transformation du système de santé », expliquait un cadre du ministère en 2023.

Pourtant, malgré l’achèvement des bâtiments, le projet semble désormais bloqué au stade des équipements. Plusieurs sources évoquent des retards administratifs, des lenteurs dans les procédures d’importation ou encore des problèmes de financement pour l’achat du matériel médical. « Le béton est prêt, mais sans lits, respirateurs ou scanners, impossible d’ouvrir », résume un ingénieur du chantier. Le gouvernement, de son côté, reste discret. Lors de sa visite en mai 2024, le président Azali Assoumani avait salué « l’avancée remarquable des travaux » et promettait une ouverture « dans les meilleurs délais ». Depuis, aucune date officielle n’a été communiquée.

L’attente pèse aussi bien sur la population que sur le personnel de santé. De nombreux médecins formés dans le cadre du projet Compass sont prêts à intégrer le CHU, mais restent affectés ailleurs faute d’ouverture. « Nous avons été formés sur les nouveaux équipements, mais sans leur installation, nos compétences restent inutilisées », regrette un jeune anesthésiste. Selon le ministère de la Santé, 20% du budget global du projet est dédié à la formation du personnel, un investissement considérable qui n’aura d’impact que si le matériel est livré et opérationnel.

La Banque mondiale a d’ailleurs rappelé dans son rapport de mars 2025 (P177646) l’importance de la transparence dans les marchés publics et de la compatibilité des équipements avec les besoins réels du terrain. Car au-delà du bâtiment flambant neuf, les défis demeurent, garantir un approvisionnement stable en eau et en électricité, finaliser la gestion des déchets hospitaliers et assurer la maintenance des installations. Sans cela, les infrastructures risquent de se détériorer avant même d’accueillir leurs premiers patients. « Ce serait un immense gâchis que de laisser un tel hôpital se dégrader faute de coordination », alerte un ingénieur ayant participé au chantier.

Plus qu’une question technique, c’est désormais une question de volonté politique. L’ouverture du CHU El-Maarouf pourrait devenir un symbole fort d’un pays qui modernise enfin son système de santé. Mais pour cela, il faut trancher, communiquer clairement et donner une date ferme. « Les Comoriens n’attendent pas un monument, mais un hôpital vivant », lance un médecin avec amertume. L’heure n’est plus à la contemplation. L’inauguration d’El-Maarouf ne serait pas seulement l’aboutissement d’un chantier. Ce serait le signe d’une nation qui choisit enfin d’assurer elle-même la santé de ses propres citoyens, en économisant plusieurs centaines de millions de francs dépensées chaque année pour des évacuations sanitaires évitables.

Mohamed Ali Nasra

 

 

 


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