La Gazette

des Comores

Interview Mme Moinaecha Mroudjaé « Nous avons plus de pouvoir par rapport aux femmes africaines (...) »

Interview  Mme Moinaecha Mroudjaé « Nous avons plus de pouvoir par rapport aux femmes africaines (...) » © : HZK-LGDC

Dans le cadre du lancement d'un livre « Tsi shindi, Ngamdjo shinda », dédié à 12 femmes au parcours atypique, une initiative du commissariat au genre avec le soutien de la fondation ECES. La Gazette s'entretient avec neuf d'entre elles. Au tour de Moinaecha Mroudjaé de se livrer à nos questions.


Question : Quel regard portez-vous par rapport à la situation de la femme en général aux Comores ?

 

Moinaécha Mroudjaé : Là vous me posez une question un peu délicate. Parce que vous me demandez la situation de la femme aux Comores. Il fallait qu'on se situe. Car pour nous les femmes, il y a la femme dans le cadre social. Et quand on parle de la femme et de la société, je peux dire que nous les comoriennes, sommes bien intégrées dans la société, dans nos quartiers, dans nos villages, dans nos associations qu’elles soient des associations traditionnelles ou de développement. Cela, c'est par rapport à la société. Il y aussi la femme dans la vie active, avec plusieurs catégories – des femmes dans l'agriculture – des femmes cadres – des femmes qui sont dans le commerce. Et ces femmes là sont nombreuses. Les femmes sont un peu partout. Maintenant ce qui reste c'est de les encadrer. C'est pourquoi nous avons créé des associations de développement, pour l’entrepreneuriat, des coopératives. Tout cela, c'est pour nous encadrer. Parce que chaque femme a ses expériences et chacune a besoin de l'autre. Aujourd'hui étant femme cadre, j'ai besoin de la femme rurale.

 

Q: Vous avez le parcours d'une femme atypique que ce soit en politique ou dans la société civile. Quel est aussi votre regard là dessus ? 

 

MM: Je pense que c'est un travail de longue haleine. Parce que la première chose, il faut avoir de l'ambition. Il faut savoir se conduire. Parce que nous les femmes comoriens sommes beaucoup aimées par nos parents, par nos frères et nos maris. Les femmes comoriennes représentent un petit bijou par rapport à la famille. C'est pour cela que les hommes quelques fois, ne nous acceptent pas dans les bangwé (place publique), ce n'est pas par méchanceté mais pour eux, nous sommes valeureuses. C’est pourquoi je dis que c'est un travail de longue haleine. Parce qu'il faut d'abord se sensibiliser pour pouvoir sensibiliser les autres qui sont à côté de vous et après aimer ce que vous allez faire. Par exemple mon cas. J'ai un parcours associatif, un parcours politique. Parce que j'ai été toujours dans les associations. J'ai été dans le scout, dans les associations de quartier, dans les associations des écoles et puis je suis rentrée dans les associations de développement. Et de la société civile, je suis rentrée dans la politique. J'ai commencé la politique depuis mon jeune âge. Parce que je suis née dans une famille politique. Et puis j'ai embrassé la politique de Mongozi Ali Soilih paix à son âme. Et depuis j'ai continué à faire de la politique. J'arrête parfois quand je travaille pour un programme de l'ONU après, je reprends. Quand je suis rentrée dans le programme de la Banque Mondiale, j'ai arrêté la politique, parce qu'il fallait que je fasse la politique sociale pour pouvoir créer des comités de pilotage pour le développement communautaire.

 

Q: A votre avis, y a-t-il des avancées par rapport aux conditions de la femme comorienne ?

 

MM: Le problème que nous avons ici, nous femmes comoriennes, nous voulons penser comme les femmes d'ailleurs. Alors qu'aux Comores nous sommes privilégiées par rapport aux femmes d'ailleurs. Nous sommes dans une société matriarcale et les femmes ont leur place dans la vie sociale, dans la vie familiale. Nous avons plus de pouvoir par rapport aux femmes africaines. Il y a eu un pas, parce que j'ai vu ma mère rester toujours à la maison. Parce que ses parents ne voulaient pas qu'elle sorte. Alors qu'elle a eu des enfants, elle est mariée. Elle était toujours à la maison pour les taches ménagères et la broderie. Il y a eu notre génération, on avait presque les mêmes problèmes surtout pour la scolarisation des filles. Maintenant les choses ont changé. Ils sont tous égaux. Même dans le milieu rural. Par rapport à la scolarisation, il y a une avancée. Et quand, on se rend dans une classe, on constate qu'il y a plus de filles que des garçons. Par rapport à la réussite, ça c'est autre chose. Dans les années 90, les femmes travaillaient comme secrétaires particulières, infirmières et sages-femmes. Aujourd'hui, elles sont des juristes, des économistes, des médecins, des professeurs des Universités. Le problème réside dans la sphère politique.

 

Q: Justement pourquoi la femme peine à s'imposer en politique ?  

 

MM: Nous avons un grand problème par rapport à la politique. Nous n'arrivons pas à percer. Parce que la constitution est ouverte pour nous. Quand on regarde l'opinion que nous fréquentons, les hommes nous respectent. Mais la politique est un combat. C'est un combat parce que je peux être dans un même parti qu'un homme et que je m'absente à toutes les réunions, je n'arrive pas à suivre la vie politique. Pourquoi j'ai des contraintes. Car je dois m'occuper de la maison, des enfants et tout cela ne me permet pas d'être régulier dans les rencontres et pourtant l’assiduité est importante dans la politique. Autre point, les femmes s'engagent beaucoup dans la société civile et qu'on ne perce pas dans les organisations politiques. Et les hommes en profitent parce qu'ils ont le champ libre.

 

                       

 

 


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