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Les Comores face à l’Océan : Enjeux économiques et perspectives d’une économie bleue durable

Les Comores face à l’Océan :  Enjeux économiques et perspectives d’une économie bleue durable © : HZK-LGDC

La troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan bat son plein à Nice depuis le 9 juin dernier. Pour l’Union des Comores, ce rendez-vous mondial représente une opportunité stratégique majeure. Classé parmi les Petits États insulaires en développement (PEID), l’archipel dispose de seulement 2236 km² de terres émergées, mais d’une vaste zone économique exclusive s’étendant sur plus de 160 000 km², une richesse maritime soixante-dix fois supérieure à sa superficie terrestre. Dans ce contexte, l’océan apparaît comme un pilier incontournable pour repenser un modèle économique encore trop fragile et fortement tributaire des importations.


Aux côtés du gouvernement comorien, le PNUD accompagne activement la réflexion stratégique autour de l’économie bleue. En apportant son appui technique et analytique, le PNUD soutient les efforts du pays pour transformer ce potentiel maritime en moteur de croissance durable, inclusive et résiliente. La participation conjointe à la conférence de Nice illustre cette volonté commune de faire entendre la voix des Comores sur la scène internationale et de mobiliser des partenariats en faveur d’une prospérité bleue. L’aquaculture, quasi inexistante, pourrait pourtant générer « plusieurs millions de dollars par an » si des fermes pilotes voyaient le jour, estime Salim Abdallah YOUSSOUF, économiste national du PNUD. Le tourisme côtier, quant à lui, capte moins de 2% des recettes du tertiaire alors que, selon lui, « nos récifs coralliens, nos plages volcaniques et nos dauphins sont des atouts uniques dans le sud-ouest de l’océan Indien ».

Les écosystèmes vitaux mais menacés. Les mangroves (1 200 ha), les herbiers marins et les récifs protègent les côtes, séquestrent le carbone bleu et soutiennent plus de 20 000 ménages. « Chaque hectare de mangrove stocke jusqu’à 1 000 tonnes de CO₂ ; c’est dix fois plus qu’une forêt tropicale classique », rappelle-t-il. Pourtant, pollution, défrichement et extractions anarchiques de sable ont déjà fait disparaître 15% de ces zones en vingt ans. À ce rythme, l’érosion pourrait toucher 30% du littoral d’ici 2050. Pourquoi une telle inertie ? « Moins de 1% du budget national est dédié à la mer », pointe l’économiste. S’ajoutent : l’absence d’une stratégie nationale cohérente, le manque d’infrastructures portuaires et de crédit pour les pêcheurs, un cadre fiscal peu incitatif et des données scientifiques lacunaires. « Sans gouvernance maritime solide ni planification spatiale, la ressource se disperse et les financements bleus nous échappent. »

Pour répondre aux défis structurels et exploiter pleinement le potentiel de l’économie bleue, Salim Abdallah, propose six priorités d’action concrètes. Il recommande l’élaboration urgente d’une stratégie nationale intégrée de l’économie bleue, accompagnée d’un plan de financement sur dix ans pour garantir sa mise en œuvre. Il préconise ensuite la création de pôles de transformation halieutique et de fermes aquacoles pilotes, permettant de retenir la valeur ajoutée localement et de dynamiser l’emploi. La planification spatiale maritime ainsi que l’extension des aires marines protégées constituent un autre levier essentiel pour une gestion durable des espaces côtiers. Il souligne la nécessité de mettre en place un fonds d’investissement bleu mobilisant des financements publics et privés. Enfin, il insiste sur le renforcement de la recherche océanographique et des capacités statistiques pour mieux valoriser le capital naturel, et sur l’importance de la coopération régionale dans la surveillance maritime et la lutte contre la pêche illicite. Ces six priorités, selon lui, sont les conditions indispensables pour bâtir une économie bleue comorienne résiliente, compétitive et inclusive.

À Nice, la délégation comorienne milite activement pour la mise en place d’un guichet financier spécifiquement dédié aux Petits États insulaires en développement (PEID), l’inclusion officielle du carbone bleu dans les contributions déterminées au niveau national (CDN), ainsi que la reconnaissance des projets pilotes côtiers comme leviers concrets de développement. Cette démarche vise à instaurer une dynamique de coopération équitable, fondée sur des intérêts partagés et des retombées mutuelles, en soulignant que la préservation des océans constitue également un enjeu stratégique pour les chaînes de valeur mondiales de demain. Selon les projections du PNUD, l’économie bleue pourrait représenter 15 à 20% du PIB comorien d’ici 2045, pour peu que les investissements suivent et que les communautés littorales soient placées au cœur de la gouvernance. « C’est un projet de transformation économique, mais aussi de justice sociale », conclut l’économiste. « Si nous agissons vite et bien, l’horizon bleu deviendra notre nouvelle frontière de prospérité partagée. »

 Andjouza Abouheir, depuis Nice

 

 


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